Dans la tourmente des IA génératives

Si il y a bien une chose qui m’agace en ce moment, c’est la folie des commentaires sur les IA generatives.

A en écouter certains (et ils sont nombreux), nous serions à l’aube d’une révolution… (en fait, on y serait déjà)…chatGPT va détruire 300 millions d’emploi (ça, c’est un grand cabinet de consulting qui le dit, et qui a l’habitude de proclamer des chiffres toujours plus faux, du moment qu’on le lit et qu’on parle de lui), va remplacer tous les métiers, va permettre de créer des programmes entiers sans savoir développer, va mettre les photographes à la rue, faire disparaître les illustrateurs…

Bref…. le chaos, avec un grand C.

Ce qui me trouble dans tout ça, c’est le manque de lucidité qui en découle, l’impossibilité d’avoir une clairvoyance.

A force de tout lire, tout entendre, tout écouter… on ne sait plus rien… on ne sait plus quoi penser… et j’en vois déjà pas mal qui, plutôt que prendre leur mal en patience et attendre que ça se tasse, prennent déjà des décisions irréversibles, futiles et idiotes, comme essayer d’interdire chatGPT (bon courage !), réclamer à cors et à cris un chatGPT européen (bonne chance !), se rendre intéressant en prédisant l’apocalypse, ou bien s’accaparer une posture de petit génie qui sait tout en vous dévoilant les secrets ancestraux du prompt (qui ne consiste tout simplement, hein, qu’à savoir assembler intelligemment quelques mots… pas de quoi parler d’ingénierie quand même, bien loin de là).

On ne sait plus quoi penser.

Seules quelques voix sages émergent de ci delà, Fred Cavazza (que je salue), Luc Julia, Gilles Babinet, Laurence Devillers, Jean-Gabriel Ganascia, désolé si je ne peux pas citer tout le monde (Yann Le Cun, même s’il a l’outrecuidance de se faire payer par Méta et que son discours est forcément… comment dire… influencé…)… quelques voix que peu écoutent ou rejettent promptement sur le bas côté de la route en traitant tous ces vieux schnocks (oui, car ils sont vieux, pour la plupart, ayant tous plus de 50 ans) de vieux ringards qui ne comprennent rien à la révolution en cours, toussa, toussa !

En fait, chacun de nous réagit avec ses propres armes et sa propre expérience. Les jeunes s’emballent et s’enthousiasment. Les vieux se méfient. Nous sommes tellement écrasé par la puissance des réseaux sociaux, auxquelles nous nous abreuvons soir et matin, que nous en oublions une chose : l’incapacité de ceux-ci à trier l’important du futile, du superficiel, du faux et du vrai. C’est à dire à hiérarchiser les dires, les affirmations, les proclamations entre les sachants (les vrais) et les auto-proclamés sachants, qui, il faut bien le dire, constituent la masse (et notamment, parce qu’ils en ont aussi le temps), et qu’il est difficile, même à un esprit éclairé, savant, raisonné, patient, de faire humainement le tri dans tout ce brouhaha.

Paradoxe ultime : il faudrait une IA pour cela…. on tourne en rond. La boucle est bouclée. Le serpent se mord la queue !

C’est donc le souci.

Et c’est à vous désespérer de l’humanité, c’est à vous désespérer des gens, à désespérer de l’intelligence qui devrait nous guider et qui, de plus en plus, est remplacée par le bruissement assourdissant de la masse. Nous sommes à une ère où nous disposons des outils les plus puissants pour nous aider à résoudre nos problèmes…. et au lieu de nous rendre plus intelligents, ils nous rendent plus crétins… Pour la simple et bonne raison, qu’en ouvrant les vannes du droit à la parole pour tous, nous avons surtout ouvert les vannes du n’importe quoi permanent, comme des sortes de chutes du Niagara géantes desquelles ne se déverseraient pas des tonnes d’eau, mais des milliards de commentaires et d’affirmations sans queue ni têtes, affligeantes, impérieuses autant qu’inutiles.

Il n’y a plus moyen de faire entendre la raison… c’est à ceux qui hurleront les plus forts que reviendra le pouvoir.

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