C’est le film qui a émergé sur ma timeline sur Twitter. Je ne sais pas pourquoi. C’est la magie et l’inconvénient de ce réseau social et de ses algorithmes. On finit toujours par y entendre parler de quelque chose qui ne nous intéresse pas à priori.
Mais puisque beaucoup dans la twittosphère ce sont enflammés pour Don’t look up et que j’aime le cinéma, je ne pouvais pas m’empêcher de ne pas réagir à tout cet enthousiasme, douché par certains, tout de même, il est vrai, qui n’ont pas forcément vu le chef d’œuvre que beaucoup proclament.
Je dois être trop vieux, ou trop blasé, ou les deux, mais je dois dire sans ambage que je ferais plutôt partie du second camp : celui des sceptiques.
Non pas que Don’t look up ne soit pas plaisant à regarder. Non pas que ça soit un mauvais film. Mais tout simplement que sous le couvert d’une satire à l’acide de l’Amérique d’aujourd’hui se masque, en réalité, un défilé de bons vieux clichés qui ne ferait même pas lever un sourcil à mon grand-père, qui en a connu d’autres.
En gros, Don’t look up est un produit commercial qui ne prend pas le risque de déplaire. Oui, la satire est drôle, mais qu’est-ce qu’elle est convenue. Qui fera croire qu’elle bousculera quelqu’un dans ses idées ou ses convictions, ou même ses croyances ? D’accord, personne n’écoute les scientifiques (qui sont ringards, forcément)… oh oh, mais ça nous rappelle quelque chose… (il faudrait vraiment être benêt pour ne pas voir la similitude avec celle du GIEC). La Présidente des Etats-Unis est une vague caricature à peine crédible de Trump (encore que…) C’est vrai que tout le monde en prend pour son grade, notamment le monde des médias. En tout cas, un certain monde des médias… Oui, donc, ça tire à boulets rouges… mais honnêtement, sans qu’aucune scène vraiment ne surprenne… on sent que tout a été peaufiné par les meilleurs de la classe de l’école des scénaristes, mais que personne n’a voulu prendre aucun risque pour ne pas avoir moins de 20/20.
Et si tout cela est bien amené, et bien joué (Di Caprio, en rôle de ringard, ça marche). Où sont les surprises, où est la subversion, où sont les déchirures qui pourraient nous bousculer dans nos convictions, et nous faire sentir mal à l’aise ? Franchement, il n’y en a pas. (Alors, je ne dis pas qu’un film doit nous faire sentir mal à l’aise obligatoirement : je dis qu’une satire n’est pas une satire si elle vient simplement complaire à sa cible marketing, ce qui est, à mon avis, le cas pour Don’t look up).
A tout prendre, je préfère largement un film assez lamentable comme Idiocracy, qui compensait son manque de moyens, par une irrévérence et une mauvaise foi assez flagrante, que Don’t look up, qui est un bon produit, mais un produit quand même.
Mais dans le fond, si Don’t look up m’a dérangé, c’est paradoxalement par sa vision passablement éculée américano-centrée du monde.
Qui pourrait croire un instant que seul un pauvre professeur d’université et son assistante auraient été les seuls à avoir découvert l’astéroïde ? Merci pour tous les autres astronomes du monde qui, visiblement, n’arriveraient pas à la cheville de ces deux obscurs ploucs du Michigan.
Le reste du monde, parlons-en, est évoqué par les sempiternelles images (presque tirées d’une banque d’images gratuites) de spectateurs ébahis soit par le spectacle de la catastrophe, soit par l’espoir d’être sauvé par l’Amérique, avec un grand A. Je n’avais pas vu ça depuis longtemps. (Ou peut-être que j’ai raté beaucoup de films). Donc, bref, le reste du monde se réduit à une suite de clichés archivus et revus.
Mais pire, encore : où sont les chinois ? Où est la Chine ? L’autre superpuissance capable de rivaliser avec les États-Unis ? Eh bien, visiblement, elle n’existe pas. Où on n’en parle pas.
Le film dépeint une Terre où les Etats-Unis seraient encore l’unique et seule superpuissance que le monde regarde avec admiration, crainte ou jalousie.
En 2022, c’est très très difficile à avaler.
Et ce détail, qui n’est peut-être rien pour vous, est peut-être le plus dérangeant du film. Hollywood a toujours servi d’instrument de propagande aux États-Unis. C’est le fameux Soft power de l’Amérique qui a toujours été un des plus puissants instruments de son emprise.
Dans Don’t look up, le contexte est sorti du congélateur. Le scenario est tissé comme si le monde n’avait pas changé depuis 30 ans (les russes, « ces pauvres crétins » ne sont évoqués que pour leurs échecs. Heureusement, on a évité les inévitables scènes de militaires roulant les « r » avec un accent digne des vieux James Bond des années 60).
Il est toujours facile de critiquer le trumpisme, les médias (Fox News en tête) et toute la flopée de têtes à claques de l’Amérique d’aujourd’hui, mais si c’est pour camper sur un position complètement archaïque, ça relativise tout l’intérêt de la parodie… qui, finalement, ne réaffirme qu’une chose : la nouvelle forme du Soft Power de l’Amérique à travers le nouvel Hollywood qu’est Netflix.